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Le château de Lassay, dernières recherches

La conférence donnée par Jocelyn Martineau (SRA, DRAC) et Marion Seure, chercheuse de l’Inventaire de la Région des Pays de la Loire, a porté sur les dernières recherches menées sur le château.

Plusieurs réflexions autour du château à son époque

Les dernières réflexions ont consisté en la remise en contexte du château dans son époque, d’un point de vue historique (fin de la guerre de Cent Ans), social (réaffirmation de la noblesse) et architectural (chantiers de fortifications contemporains).

Un projet de recherche

Impressionnant les visiteurs par ses dimensions et son allure de forteresse, connu des spécialistes pour son apparente homogénéité et son bon état de conservation, ce château construit au milieu du XVe siècle n’a pourtant jamais fait l’objet d’une étude complète et approfondie*.

Une équipe de spécialistes variés (archéologue, topographe, historien…), s’est ainsi constituée en 2019 pour enrichir les compétences sur le terrain et confronter les regards. Ce projet de recherche a tout d’abord bénéficié des travaux de restauration conduits par les propriétaires : dans le cadre d’une étude sanitaire, menée par l’architecte et visant à définir les priorités des restaurations à venir, un relevé 3D des extérieurs du château a été réalisé. Il a été exécuté par Yann Bernard (VirtualArchéo) et rendu possible grâce au financement de la Drac (Conservation régionale des Monuments Historiques).
Les recherches menées depuis l’année 2020 visent entre autres à comprendre l’environnement médiéval du château.

Plan du château, représentant les altitudes relatives. ©Y. Bernard

Comprendre l’édifice dans ses trois dimensions 

La première phase de recherche a été marquée par l’acquisition d’un nuage de points, représentation numérique et en trois dimensions de l’édifice. L’outil utilisé pour ce relevé est un scanner laser FARO X130, d’une portée de 130 mètres. A chaque point capté par le laser sont associés une couleur, une texture et des coordonnées, qui situent ces informations dans l’espace.

En raison de la complexité de l’objet relevé, plusieurs stations sont nécessaires pour obtenir des séries de nuages de points complémentaires les unes aux autres. Pour permettre l’assemblage des données récoltées lors de chacune des stations, des cibles-repères fixes sont disposées tout au long du parcours. Ainsi, à chaque station, le scanner doit enregistrer des cibles liées à la station précédente et des cibles liées à la station suivante. Le tout constitue un « nuage de points » virtuel, objet numérique en trois dimensions qu’il est possible de manipuler dans toutes les directions.

Vue axonométrique à partir du nuage de points. ©Y. Bernard

Des orthophotographies, réalisées à l’aide d’un drone, lui sont associées. Elles permettent d’obtenir une vision sans déformation de tous les parements extérieurs. Les relevés en trois dimensions sont complétés par des relevés en plan de certains espaces intérieurs particulièrement intéressants (les niveaux de cave ou de rez-de-chaussée où se trouvent les canonnières, par exemple). Ces plans en deux dimensions seront couplés au relevé en trois dimensions, pour former un seul et même objet. De cet objet virtuel peuvent être tirés plans à différents niveaux, coupes et orthophotographies, autant de documents qui permettent une étude détaillée de l’édifice. 

Vue panoramique du château et du bourg, sur l’étang de Lassay. ©Y. Guillotin

Outre la rapidité de son exécution en comparaison d’un relevé effectué avec des outils traditionnels, l’intérêt de ce scanner 3D est de voir, penser et appréhender l’édifice dans ses trois dimensions. Il sera par exemple plus facile de restituer le plan de tir, en fonction de la hauteur des canonnières et de la portée des armes. La précision des plans effectués permettra de repérer les anomalies dans la maçonnerie (modifications successives opérées, ajout postérieur d’éléments…). Par ailleurs, l’observation fine du bâti, ainsi que des analyses dendrochronologiques**  qui accompagneront peut-être la suite des restaurations, pourraient révéler les différentes étapes de la construction de château, d’apparence très homogène. Grâce aux compétences de chacun et à l’utilisation du numérique, une vision entièrement renouvelée du château pourra sans doute être proposée à l’issue de cette étude. 

Le château et ses abords au Moyen Âge 

L’année 2020 a marqué le début du travail sur l’environnement immédiat du château. En effet, la défense de l’édifice ne peut être comprise sans envisager ce qui l’entourait. Afin de restituer la morphologie du site, un relevé topographique a été effectué. Celui-ci a été complété par une prospection géoradar ***, technologie nouvellement utilisée en archéologie. Des ondes sont envoyées dans le sol. Le bruit numérique produit permet ensuite de détecter des perturbations souterraines qui peuvent correspondre à des restes de maçonneries, à des creux ou à des comblements qu’il faut alors interpréter. A la suite de cette campagne, il a ainsi été possible de détecter l’emplacement exact de la digue de l’ancien étang Barbot ou encore de déceler le lieu du château primitif. L’utilisation du numérique combinée aux compétences de chacun renouvelle entièrement la vision du château.

* Soulignons néanmoins les études historiques du marquis de Beauchêne, datant du début du XXe siècle, qui mettent en avant certains documents d’archives, ainsi que les articles plus récents d’Alain Salamagne, replaçant le boulevard du château dans son contexte architectural, et de David Foisneau, livrant une synthèse sur l’édifice. 

DE BEAUCHENE (Guesdon), Essai historique sur le château de Lassay depuis son origine jusqu’à nos jours, Dumoulin, 1876. 

DE BEAUCHESNE (Guesdon), LEFEVRE-PONTALIS (Eugène), « Le château de Lassay (Mayenne) », Bulletin monumental, 1905, p. 13. 

FOISNEAU (David), « Lassay, une forteresse de la fin du Moyen Âge », La Mayenne : archéologie, histoire, n°27, 2004. 

SALAMAGNE (Alain), « Un exemple rare dans l’architecture défensive du XVe siècle : le boulevard du château de Lassay », La Mayenne, Archéologie, Histoire, 1993, p. 165-210. 

** Datation par les cernes du bois. 

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