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Le château d’eau dit du Moulin du Pé à Saint-Nazaire

Implanté sur l’un des points les plus élevés de Saint-Nazaire, le château d’eau dit du Moulin du Pé constitue un important repère visuel dans le paysage de la ville. Réalisé en 1954 en un temps record, sa capacité de stockage exceptionnelle et sa forme en arc de triomphe, en font un édifice alors unique en France. En 2003, le château d’eau est labellisé « Patrimoine XXe siècle », aujourd’hui « Architecture contemporaine remarquable ». 

Historique du site

Le château d’eau est établi sur une parcelle bordant le chemin des Mules, entre les routes nationales reliant Saint-Nazaire à Guérande au sud et Saint-André des Eaux au nord, trois axes de circulation, dont deux majeurs, figurés sur le cadastre napoléonien.

Bien qu’aucun plan d’eau n’y apparaisse, ce document révèle un site particulièrement humide dont témoignent les nombreuses îles mentionnées (île du Pez, île du Piolet, île de la Tautinnière, etc.). D’après les matrices cadastrales, le terrain appartient à l’origine à Auguste Lorieux, avocat à Nantes, puis en 1854, à son frère Théodore Lorieux, ingénieur en chef des Mines. Il le transmet à son tour à son fils Edmond, en 1908. La parcelle reste dans la famille au moins jusqu’en 1911.

Dans le 3e quart du 19e siècle, une carrière d’où l’on extrait du gneiss, semble-t-il, est ouverte sur les terrains voisins. Comme le révèle un rapport du Conseil général de Loire-Atlantique, la carrière dite du Moulin-du-Pé, épuisée, ferme en 1877. Le site inexploité finit par se remplir d’eau, laissant apparaitre plusieurs petits étangs en surface, dont le plus grand est utilisé comme piscine naturelle en 1940 et 1941. Des compétitions de nages rapides, de waterpolo ou encore de plongeons y ont lieu. Durant cette période la carrière du Moulin-du-Pé abrite l’un des postes de commandement de l’armée Allemande.

Le château d’eau dit du Moulin du Pé. ©Région Pays de la Loire – Inventaire général

De l’eau pour tous ! 

Au début des années 1950, face à l’augmentation démographique de la ville et à la volonté d’équiper tous les logements en eau courante, le château d’eau situé boulevard Victor Hugo s’avère insuffisant. On décide alors d’en construire un nouveau sur l’un des points les plus hauts de la ville, au niveau du lieu-dit du Moulin-du-Pé. Le Ministère de la Reconstruction et du Logement ainsi que la municipalité retiennent la Société des Entreprises Limousin pour concevoir et exécuter les plans. Implantée à Paris, elle est à l’origine des plus prestigieuses réalisations en béton armé de la première moitié du XXe siècle dans les domaines des travaux publics, de l’industrie et du génie civil (hangars à dirigeable d’Orly, pont de la Libération de Villeneuve-sur-Lot, halle de Reims, etc.).

Les travaux démarrent en mars 1954, la même année que la mise en service de l’usine de traitement de la nappe de Campbon. A l’origine, l’eau était uniquement issue de cette source. Aujourd’hui, elle provient également de l’usine de traitement de la Vilaine basée à Férel, ainsi que plus marginalement de la Loire. Les sites alimentés ont aussi évolué puisqu’en plus du centre-ville, le château d’eau dessert la zone de Brais, le quartier de Beauregard, le Plessis, Villès-Martin et le Perthuishaud. 

Un chantier record…

Grâce à son procédé de construction, alors novateur, basé sur un coffrage coulissant dans lequel le béton armé est déversé en continu de jour comme de nuit, les demies tours s’élèvent rapidement. Ainsi, malgré les intempéries, la tour à l’ouest est édifiée en à peine 7 jours et celle à l’est en 5 jours, au cours du mois d’avril.

En mai, les travaux sont stoppés deux semaines. En cause : la fermeture provisoire du site sur décision de l’entreprise en réponse aux revendications portées par les ouvriers. Le chantier finit par reprendre dans un contexte difficile. En août, les cuves sont réalisées grâce au « procédé Faye », une technique de coffrage du béton armé, composé de petits panneaux glissants 1,20 mètres de hauteur qui présente l’avantage de pouvoir se réaliser depuis l’intérieur de l’ouvrage et d’éviter l’utilisation d’un échafaudage extérieur. Les travaux qui ont duré 9 mois s’achèvent au début de l’année 1955.

Le château d’eau dit du Moulin du Pé, labellisé « Architecture contemporaine remarquable ». ©Y. Guillotin

… Pour un édifice monumental

Le château d’eau mesure 49.850 mètres de longueur, 24 mètres de largeur et 30 mètres de hauteur. Il est entièrement construit en béton et se compose de deux piliers semi-circulaires en partie évidés. Au centre, éclairée dans toute sa verticalité par du verre armé, se dresse une tour rectangulaire abritant un escalier et les conduites d’eau. Les piliers et la tour mesurent près de 20 mètres de hauteur. Ils supportent un espace de distribution central ainsi que deux cuves de 24 mètres de diamètre sur 10 mètres de hauteur. Chacune d’entre elles se composent de murs à fruit ainsi que d’un fond à coupole et contient 2250m3 d’eau, soit 4500 m3 au total : une quantité alors exceptionnelle ! 

Le château d’eau dit du Moulin du Pé. ©Y. Guillotin

Observation

Avec ses deux cuves, le château d’eau appartient à une typologie dite en « arc de triomphe ». Ce modèle unique en France, mis au point par la Société des Entreprises Limousin, serait lié au projet d’établir une double voie destinée à relier les routes nationales Saint-Nazaire / Saint-André-des-Eaux et Saint-Nazaire / Guérande, passant sous les arcades. Cependant, cette idée paraît peu probable en raison des normes sanitaires et de sécurité appliquées à ce type d’édifice.   
Actuellement, Saint-Nazaire compte deux autres châteaux d’eau : celui de Méan-Penhoët construit en même temps et par la même entreprise que celui du Moulin-du-Pé, ainsi que celui d’Océanis édifié en 1970 pour répondre au développement de la ville à l’ouest. 

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