Le regard des experts Mayenne

Rochefeuille, une ancienne villégiature des bords de Mayenne

L’étude des châteaux, manoirs et demeures de villégiature en bord de Mayenne, menée par le Département avec le soutien de la Région, est en cours d’achèvement dans la partie nord du département, en amont de la ville de Mayenne. Elle se poursuit désormais entre Mayenne et Laval. Parmi les sites étudiés, la maison dite château de Rochefeuille, sur la commune de Mayenne en direction d’Ambrières-les-Vallées, est un bel exemple des villégiatures élevées par la bourgeoisie locale dans la vallée. 

La demeure de campagne d’un médecin agronome 

La parcelle des Rochouailles, devenue plus poétiquement vers 1850 « Rocfeuil » puis « Rochefeuille », dépendait de la métairie voisine de la Chouanne. La demeure dite château de Rochefeuille est édifiée vers 1855 aux portes de la ville Mayenne, entre l’ancien chemin et la nouvelle route d’Ambrières, pour Louis-Jean-Charles-Marie Tanquerel des Planches, médecin et agronome à Paris. Prix Montyon de 1840, lauréat de l’Institut, chevalier de la Légion d’Honneur, auteur de recherches en médecine sur le saturnisme et l’encéphalopathie, Louis Tanquerel est membre de nombreuses sociétés savantes. Il est surtout, à l’échelle locale, fondateur et président de la Société d’Agriculture de l’Arrondissement de Mayenne, auteur d’un « Ouvrage sur les diverses formes de labour » (1861) et de conférences sur l’économie rurale et l’horticulture. La revue La France Médicale lui consacre un article très complet, écrit par Paul Delaunay, en 1903.

Louis Tanquerel fait de son parc de Rochefeuille un laboratoire d’acclimatation d’essences rares et transforme la Chouanne en ferme modèle. Éprouvant « en même temps qu’une forte nostalgie, un réveil de vifs sentiments bucoliques », il quitte Paris et revient définitivement sur ses terres mayennaises. « Il se métamorphosa en agriculteur, greffa des rosiers, dressa des espaliers, organisa ses étables et ses bergeries […]. Tanquerel, dont la ferme de la Choanne (sic) était un modèle, entreprit en 1861 le défrichement et la culture de vastes landes ». A Glaintain (Saint-Fraimbault-de-Prières), il s’adonne à la sylviculture. Il décède en sa demeure de Rochefeuille le 27 mai 1862.

Le château de Rochefeuille, carte postale du début du XXe siècle. ©P.-B. Fourny / Archives départementales de la Mayenne

Une demeure historiciste

Dans ses travaux, Damien Castel attribue les plans de Rochefeuille au manceau Pierre-Félix Delarue, par comparaison avec d’autres châteaux construits par le même architecte notamment en vallée de la Mayenne. La parenté stylistique avec d’autres œuvres de Delarue semble assez évidente, mais aucun document n’a permis de confirmer cette attribution et il faut donc rester très prudent. La façade principale de la demeure est orientée à l’est, vers la vallée de la Mayenne. C’est un bâtiment de plan rectangulaire sur lequel se greffent un avant-corps central en forme de grosse tour demi-circulaire et deux tourelles d’angle en encorbellement. L’édifice est qualifié par Paul Delaunay de « charmant château rose et blanc », rappelant que les tourelles, en briques, n’étaient à l’origine pas enduites.

Le choix d’une architecture historiciste est commun à la plupart des châteaux de la vallée de la Mayenne. Les tours, lucarnes et quelques détails comme le crénelage sur faux mâchicoulis évoquent l’architecture castrale telle que le néogothique se plait à la réinventer. Les motifs sculptés de volutes, de coquilles ou de vases, ainsi que des lucarnes à frontons chantournés sont d’inspiration Renaissance. A l’intérieur, l’escalier en vis, en bois et à garde-corps en fonte ouvragé, est éclairé par un jour zénithal ménagé dans la toiture.

Les ornements sculptés de la fenêtre du corps central de la façade principale. ©P.-B. Fourny​

Aujourd’hui, un lycée professionnel privé

La propriété passe à une date inconnue à Emmanuel Moreau résidant près de Moulins, qui vend en 1929 à Georges Fenestre ingénieur à Paris. Celui-ci se défait à son tour de la demeure en 1960 au profit de l’association Maisons Familiales de Mayenne, laquelle y déplace l’année suivante le lycée professionnel agricole situé auparavant boulevard Anatole France puis rue Ambroise de Loré à Mayenne. L’acte de vente précise que le château comprend « au rez-de-chaussée : grand vestibule, salle de billard, grand salon, petit salon, salle à manger, office ; au-dessous : cuisine, décharges, cave, buanderie ; au premier étage : six chambres et cabinets de toilette ; au second étage mêmes dispositions ; grenier et combles sur le tout ». La propriété compte également des bâtiments de service (écurie, remise, chambres, volaillerie), un parc avec deux puits et un jardin potager. 

Le lycée accueillant de plus en plus d’élèves, le château devient trop petit et se voit complété temporairement par des préfabriqués ; un logement de fonction est construit à proximité. Par la suite, de nouveaux bâtiments sont édifiés : en 1988, un premier internat, en 1993, un bâtiment comprenant salles de classes et laboratoires, en 2000, un bâtiment avec internat, restaurant, amphithéâtre, salles de classe, et enfin en 2016, un nouvel internat en lieu et place de celui de 1988, avec foyer et centre de documentation. Entre temps, le château est rénové en 1997-1998 et mis aux normes d’accessibilité. 

Une vue aérienne du château et des bâtiments du lycée depuis le sud-est. ©P.-B. Fourny​

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