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Sèvre niortaise – la rigole de la Rive droite

L’inventaire du patrimoine des communes riveraines de la Sèvre Niortaise met en évidence le réseau serré de canaux, de conches et de fossés qui draine les marais en hiver et les irrigue en été. Ce réseau a été en grande partie mis en place au XIXe siècle par l’action des Ponts et Chaussées et des syndicats de marais mouillés créés par l’État en 1833. Parmi les principaux canaux, la rigole de la Rive droite circule sur… la rive droite de la Sèvre ! 

Un ancien cours d’eau devenu rigole

Ce canal est l’un des plus importants dans le réseau hydraulique des marais entre Coulon et Damvix. Avec le canal du Grand Coin qu’il prolonge et la Vieille Sèvre qui le prolonge, il forme un linéaire de 11 kilomètres à travers les marais mouillés de la Venise verte. Observant majoritairement des lignes droites successives, cet itinéraire prend naissance à la Sotterie, en amont de Coulon, et retrouve la Sèvre Niortaise en amont de Damvix. 

La rigole de la Rive droite en aval de la Poublée, au Mazeau, vue en direction de l’est. ©Y. Suire

Ce cours d’eau artificiel reprend peu ou prou l’itinéraire d’un ancien cours ou « route d’eau » qui, depuis le Moyen Age au moins, serpentait au pied des terres hautes du Mazeau et dont les méandres de la Vieille Sèvre constituent le dernier témoin. On en voit aussi une partie le long de la partie est du bourg du Mazeau. Ce « chenal du Mazeau qui est navigable aux petits bateaux » apparaît sur la carte de la région par Claude Masse en 1720. 
Un siècle plus tard, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées François Mesnager imagine un vaste programme d’aménagement des marais mouillés qui va être progressivement mis en œuvre au cours des décennies suivantes. Il propose le creusement sur chacune des deux rives de la Sèvre, de grands canaux ou « rigoles » destinés à mieux capter les eaux d’inondation pour mieux les évacuer. Quatre d’entre elles doivent drainer les marais entre Coulon et Damvix. Le principe de ces rigoles est entériné par l’ordonnance royale de 1833 qui crée dans le même temps les syndicats de propriétaires des marais mouillés (un pour chacun des trois départements concernés) chargés de mettre en œuvre les travaux.

Sur la rive gauche (en Deux-Sèvres), ce programme entre rapidement en application avec le creusement de la rigole de la Garette en 1838. Rive droite, en Vendée, l’affaire est plus complexe. En 1839, sur proposition de l’ingénieur Lambert, aux quatre rigoles prévues par Mesnager, on décide de n’en fair plus qu’une seule en utilisant l’itinéraire de l’ancienne route d’eau du Mazeau. Lambert assure, mathématiquement, que la rigole « conduira à la Sèvre les eaux mortes d’une superficie de marais de 2000 hectares environ, d’après les études habiles et consciencieuses de M. Mesnager.

Le barrage sur la Vieille Sèvre, en aval de la rigole de la Rive droite, entre Damvix et Arçais. ©P.-B. Fourny

Le volume des eaux mortes peut être évalué à 4.000.000 mètres cubes. La rigole les évacuera donc dans l’espace de onze jours environ, si la Sèvre peut les recevoir et les conduire à la mer dans ce même laps de temps. C’est là un bien beau résultat si l’on considère que dans son état actuel, le marais est ordinairement couvert d’eau jusqu’en août et septembre ». Une nouvelle ordonnance royale en 1844 autorise le creusement du canal.

Le creusement de la rigole dans les années 1850

Il va pourtant encore falloir de nombreuses années avant que le projet ne voit le jour. Les finances manquent alors que le Syndicat des marais mouillés de la Vendée a déjà englouti des sommes colossales dans d’autres chantiers en aval. Le Syndicat des Deux-Sèvres qui, lui, s’est rapidement exécuté, critique les lenteurs de ses homologues vendéens, retard qui empêchent leurs propres actions d’engranger leurs premiers résultats sur les inondations. Le Syndicat de la Vendée demande en 1850 une nouvelle modification du tracé de la rigole. Conçu par l’ingénieur en chef Joseph Maire, le tracé modifié est définitivement approuvé en 1855. 

L’inondation de mai 1856 retarde encore le début des opérations, le chantier ne commence véritablement qu’en avril 1857. Ils sont conduits par Pierre Manteau, entrepreneur au Mazeau. A l’été, les ouvriers sont à la hauteur du bourg du Mazeau. Ils rencontrent de nombreuses difficultés liées notamment à des éboulements successifs, ou encore à des différences de niveau avec l’ancienne route d’eau. Une pierre inscrite placée à l’origine dans une des piles du pont qui jouxte le port du Mazeau, et désormais placée sur à l’entrée de celui-ci, rappelle la fin du chantier en 1859 et honore la mémoire de ceux qui l’ont dirigé : Adolphe Laval, président du Syndicat des marais mouillés de la Vendée, et Léon Mangou, son caissier.  

La pierre commémorative du creusement de la rigole sur le port du Mazeau. ©Y. Suire

Le 17 décembre 1862, l’assemblée générale du Syndicat constate que la rigole produit ses premiers effets sur les marais alentour, se félicitant d’une meilleure maîtrise des récentes inondations. Le Syndicat attire toutefois l’attention des riverains sur la nécessité de ne pas provoquer d’éboulements en empruntant le chemin de halage, et sur celle d’entretenir les rives, dans un sol particulièrement instable. On se rend compte aussi qu’à force d’évacuer l’eau, on finit par en manquer en été. Les marais mouillés sur les deux rives de la Sèvre sont alors équipés de vannes et de barrages destinés à mieux réguler les niveaux d’eau. L’un de ces ouvrages est ainsi établi sur la Vieille Sèvre qui prolonge la rigole, entre Damvix et Arçais. La construction du barrage de la Vieille Sèvre, ainsi dénommé, est ainsi décidée dès 1863. Il sera reconstruit en 1895 puis, dans sa forme actuelle, dans les années 1960.

Les projets de rigoles à travers les marais de Benet et du Mazeau, projetés par Mesnager en 1818-1821 (Arch. dép. Deux-Sèvres, 3 S 17). ©Y. Suire

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